Introduction
Avis du pôle scientifique Médiamphi
Pastille verte
La méthodologie de cette étude transversale longitudinale permet de limiter au mieux les risques de biais. À noter toutefois que la taille d’échantillon n’a pas été calculée à priori.
Pastille verte
La méthodologie de cette étude transversale longitudinale permet de limiter au mieux les risques de biais. À noter toutefois que la taille d’échantillon n’a pas été calculée à priori.
Des recherches récentes suggèrent que des interventions non pharmaceutiques sur le mode de vie peuvent améliorer les caractéristiques du sommeil ; plusieurs études ont montré que l’exercice et certains facteurs nutritionnels sont efficaces sur la qualité du sommeil chez les adultes et doivent donc être davantage étudiés chez les femmes enceintes. Le Collège Américain des Obstétriciens et Gynécologues recommande aux femmes enceintes de pratiquer une activité physique d’intensité modérée au minimum 150 minutes par semaine. Concernant la nutrition, l’apport calorique quotidien et la composition en macronutriment ont un impact sur la qualité de sommeil. Pendant la grossesse, l’apport calorique quotidien augmente d’environ 300 kcal jusqu’à un maximum de 452 kcal lors du troisième trimestre. Les recommandations sont un apport d’au moins 1,1 g/kg de poids de corps pour les protéines, ainsi qu’un apport d’au moins 25 à 28g de fibres par jour. En revanche, l’effet de ces recommandations sur la qualité de sommeil n’a pas encore été étudié.
Cette étude a donc pour objectif de comparer les mesures objectives et subjectives du sommeil chez les femmes enceintes entre celles qui sont actives physiquement et celles qui sont sédentaires, ainsi qu’entre celles qui consomment suffisamment de fibres et de protéines et celles qui n’atteignent pas les recommandations.
Méthode
Participants
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Être entre 12 et 28 semaines de grossesse
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Avoir entre 18 et 40 ans
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Pouvoir comprendre et compléter tous les protocoles et mesures
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Être physiquement inactive (<90 min par semaine) ou suivre les recommandations de l’ACSM (>150 min d’activité physique modérée par semaine)
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S’engager à ne pas voyager pendant 2 semaines et respecter leur routine habituelle de sommeil et d’activité
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Obtenir l’accord de leur médecin pour participer à l’étude
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Avoir un test de diabète gestationnel négatif
Les participantes étaient exclues si elles présentaient des antécédents de douleurs lombaires ou de chirurgie, avaient des troubles du sommeil diagnostiqués, des contre-indications à la pratique d’une activité physique, un faible IMC ou un IMC trop élevé, des restrictions orthopédiques et/ou cardiovasculaires, ou encore si elles avaient une grossesse à risque (travail prématuré, placenta prævia, anémie, prééclampsie, saignements vaginaux …).
Protocole
Les participantes sont venues au centre de recherche entre leur 28ème et 32ème semaine de grossesse. Elles ont rempli une série de questionnaires ; le Pregnancy Physical Activity Questionnaire (PPAQ), le Pittsburg Sleep Quality Index (PSQI) et le Epworth Sleepiness Scale (ESS). Après les avoir remplies, elles ont participé à un examen physique avec prise de la taille, du poids, de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et de la saturation en oxygène. Elles ont été éduquées à l’utilisation d’un moniteur de fréquence cardiaque et d’un actigraphe de poignet qu’elles ont porté 24h/24 pendant 2 semaines. Elles ont aussi dû remplir un journal sur leur sommeil tous les matins et tous les soirs.
Mesures
Le PPAQ a été utilisé pour estimer la dépense énergétique hebdomadaire moyenne des participantes ainsi que la valeur MET de l’activité physique, et il a permis de classer les participantes en « physiquement actives » (PA) pour celles passant plus de 150 minutes par semaine à pratiquer une activité physique et « non physiquement active » (NPA) pour celles y passant moins de 90 minutes par semaine. Les informations recueillies à partir des journaux quotidiens et des moniteurs de fréquence cardiaque ont été utilisés pour étayer les groupes. Le PSQI évalue la qualité subjective du sommeil au cours du mois écoulé et comprend plusieurs éléments : qualité du sommeil, latence du sommeil, durée du sommeil, efficacité du sommeil, troubles du sommeil, utilisation de somnifères et dysfonctionnement diurne. Des scores plus élevés indiquent des résultats moins bons en matière de sommeil et un score >5 est considéré comme cliniquement significatif. L’ESS énumère huit activités diurnes (regarder la télévision, être passager d'une voiture ...) et les participants sont invités à évaluer la probabilité de s'assoupir sur une échelle de 4 points (0-3).
Le sommeil a été évalué objectivement par une surveillance continue pendant deux semaines à l'aide de l'Actiwatch Spectrum Plus (Phillips Respironics, Murrysville, PA), porté sur le poignet non dominant. Elle surveille l'activité durant 24 heures par l'enregistrement de périodes d'une minute et détermine le sommeil ou l'éveil en fonction des mouvements. Les variables du sommeil sont le début du sommeil, le décalage du sommeil (heure du réveil), la période de sommeil, le réveil après le début du sommeil, le temps de sommeil total, l'efficacité du sommeil et l'indice de fragmentation du sommeil.
L'apport alimentaire a été recueilli et traité à l'aide du programme automatisé en ligne ASA24, un outil validé qui pose des questions sur la consommation d'aliments et de boissons au cours des 24 heures précédentes. Il fournit un résultat complet des composants alimentaires des participantes, y compris les calories totales, les protéines, les glucides, les fibres, les graisses, la caféine et le fer. Les données ont été regroupées en moyenne et analysées lorsque les participantes avaient répondu à au moins 2 des 3 rappels, et les participantes ont été regroupées sur la base de ces données alimentaires. Celles qui respectaient les recommandations en matière de protéines (≥1,1 g/kg de poids corporel par jour) ont été comparés à celles qui ne les respectaient pas, et celles qui répondaient aux recommandations en matière de fibres (≥25 g d'apport en fibres/jour) ont ensuite été comparés séparément à celles qui n'y répondaient pas.
Résultats
Au total, 49 participantes enceintes avec une moyenne d’âge de 31,9 ans ont été incluses dans l’analyse de l’activité physique et 42 ont été incluses dans l’analyse nutritionnelle. Il n'y avait pas de différences entre les groupes d'activité physique, de protéines ou de fibres en ce qui concerne l'âge, la race, le statut socio-économique ou l'IMC avant la grossesse, à l'exception des groupes de fibres qui différaient en fonction de l'âge ; les femmes qui respectaient les recommandations en matière de fibres étaient plus âgées que celles qui ne les respectaient pas.
Les participantes qui ont respecté les recommandations en matière d'activité physique ont rapporté un score PSQI global inférieur (qui indique une meilleure qualité de sommeil) et un score PSQI de la composante latence du sommeil inférieur (qui indique un endormissement plus rapide) par rapport aux participantes qui n'ont pas respecté les recommandations en matière d'activité physique. La mauvaise qualité du sommeil était fréquente chez les participantes ; toutefois, la prévalence ne différait pas entre les groupes. La somnolence diurne autodéclarée et la prévalence de la somnolence diurne modérée à sévère ne différaient pas entre les groupes. Il n'y avait pas de différence entre les groupes d'activité physique sur les mesures objectives du sommeil.
Les participantes qui ont consommé la quantité quotidienne recommandée de protéines présentaient une meilleure efficacité du sommeil, moins de réveil après l’endormissement, un temps de sommeil total plus long, et une heure de coucher légèrement plus précoce. Il n'y avait pas de différence entre les groupes pour la qualité subjective du sommeil ou la somnolence diurne. Les participantes qui consommaient la quantité quotidienne recommandée de fibres présentaient une fragmentation du sommeil plus faible par rapport à celles qui n'en consommaient pas, mais les groupes ne différaient sur aucune autre mesure objective du sommeil. Il n'y avait pas de différence entre les groupes pour la qualité subjective du sommeil ou la somnolence diurne.
Parmi toutes les participantes, un apport plus important en protéines a été marginalement associé à un score PSQI global plus faible alors que l'apport en glucides et en lipides n'a pas été lié aux mesures subjectives. Un apport plus faible en glucides et un apport plus important en lipides ont été associés à une période de sommeil plus longue et à un temps de sommeil total plus important. Une plus grande quantité de fibres est associée à une heure de coucher plus précoce. Les graisses saturées n'ont pas été associées aux résultats objectifs ou subjectifs du sommeil.
Discussion
L'objectif de cette étude était de déterminer si le respect des recommandations existantes en matière d'activité physique et d'alimentation avait un impact sur le sommeil pendant la grossesse. Les femmes qui respectaient les recommandations en matière d'activité physique ont fait état d'une meilleure qualité subjective du sommeil et ont signalé moins de problèmes d'endormissement que les femmes qui ne les respectaient pas. Cependant, aucune différence n'a été constatée entre les groupes en ce qui concerne les mesures objectives du sommeil. Les femmes qui respectaient les recommandations en matière d'alimentation protéique présentaient une meilleure efficacité du sommeil, moins de réveil après l'endormissement et un temps de sommeil total plus long par rapport aux femmes qui ne respectaient pas ces recommandations. Cependant, il n'y avait pas de différences entre les groupes sur les mesures subjectives du sommeil. Ainsi, la nutrition et l'activité physique peuvent avoir des effets différents sur le sommeil et il convient de les prendre en compte pour obtenir des résultats optimaux en matière de sommeil.
Notre constatation qu'une plus grande activité physique est associée à une amélioration de la qualité subjective du sommeil est cohérente avec les résultats de plusieurs essais contrôlés randomisés. Quelques mécanismes ont été proposés pour expliquer les effets bénéfiques de l'exercice sur le sommeil. L'exercice est un facteur de stress qui active le système nerveux sympathique et augmente temporairement la fréquence cardiaque. Les personnes qui font régulièrement de l'exercice bénéficient d'une réduction de la fréquence cardiaque au repos grâce à la modulation du système nerveux sympathique, ce qui peut atténuer les réponses physiologiques au stress et avoir un impact positif sur le sommeil. L'activité physique régulière s'est également révélée bénéfique pour le sommeil en améliorant l'humeur et la perception de la fatigue. Les recherches futures devraient approfondir la relation entre l'exercice et le sommeil subjectif afin de mieux déterminer les mécanismes sous-jacents.
Les bénéfices des protéines pour le sommeil pendant la grossesse n'ont pas été étudiés auparavant et les preuves chez les adultes non enceintes sont mitigées. Étant donné que la demande calorique augmente et que les recommandations en matière d'apport en protéines sont plus élevées durant la grossesse, il est difficile de transposer les informations des adultes non enceintes aux femmes enceintes. Il est possible que la relation entre les protéines et le sommeil soit spécifique ou plus prononcée pendant la grossesse, et de futures études sont nécessaires avec des échantillons plus importants pour examiner comment l'apport en protéines peut interagir avec l'exercice pour avoir un impact sur le sommeil.
Chez les femmes, il y a souvent un manque de concordance entre les mesures subjectives et objectives du sommeil et ces différences ont tendance à être exacerbées pendant les phases de transition (puberté, grossesse et périménopause), comme l’ont montré certaines études. La cause sous-jacente de ces différences n'a pas été déterminée, mais les recherches futures devraient intégrer ces deux types de mesures afin de fournir une description plus complète du sommeil durant la grossesse. Ceci est particulièrement important compte tenu de nos conclusions selon lesquelles différentes interventions sur le mode de vie peuvent avoir des effets sur un type de résultat concernant le sommeil et pas sur un autre.
Les études de population montrent que la majorité des femmes enceintes ne répondent pas aux recommandations en matière d'activité physique, de protéines ou de fibres. Par conséquent, des interventions visant à aider les femmes à respecter ces critères de base en matière d'activité physique et d'alimentation saine sont absolument nécessaires. Étant donné que l'activité physique et la grossesse nécessitent un apport calorique supplémentaire, il pourrait être plus utile de se concentrer sur l'augmentation de la consommation de protéines et la promotion de la consommation de fruits et légumes plutôt que sur la gestion du poids (qui est souvent l’objectif des études), afin d'aider les femmes enceintes sans avoir d'impact sur la croissance du fœtus.
Conclusion
L'activité physique et la composition en macronutriments ont toutes deux un impact sur le sommeil pendant la grossesse, l'exercice étant davantage associé à des mesures subjectives et le régime alimentaire à des mesures objectives. Il faut conseiller aux femmes enceintes d'intégrer plus de temps d’activité physique dans leur routine quotidienne pour améliorer la qualité subjective du sommeil, de respecter les recommandations en matière de protéines et d'adopter un régime alimentaire plus riche en graisses et plus pauvre en glucides pour améliorer les résultats objectifs en matière de sommeil.
Référence article
McCarthy TA, Velez SM, Buckman JF, Spaeth AM. The Role of Meeting Exercise and Nutrition Guidelines on Sleep during Pregnancy. Nutrients. 2023 Sep 29;15(19):4213. doi: 10.3390/nu15194213. PMID: 37836497; PMCID: PMC10574018.