Examen des outils non invasifs fiables et valides pour le diagnostic du syndrome des loges chronique à l’effort

Oct 19 / MÉDIAMPHI - ⏱️ 6min
Le syndrome des loges chronique à l’effort (CECS - Chronic Exertional Compartment Syndrome) est une cause fréquente et sous-diagnostiquée des douleurs de jambe à l’effort. Le CECS peut se produire dans tous les groupes musculaires entourés de fascias, mais il prédomine dans la loge antérieure de jambe. La physiopathologie exacte du CECS est inconnue ; cependant, il est largement admis qu’une augmentation non physiologique de la pression à l’intérieur d’un compartiment musculaire entraîne une altération de la perfusion musculaire.

Initialement, le CECS était diagnostiqué par exclusion. Actuellement, les mesures dynamiques de la pression intracompartimentale (ICP - Intra-Compartmental Pressure) sont considérées comme le gold standard pour le diagnostic du CECS ; toutefois, la validité de cette mesure a été remise en question. L’ICP est un test invasif qui comporte des risques de saignement ou d’infection. Il s’agit d’une procédure désagréable, qui prend du temps, les patients devant parfois subir plusieurs ponctions pour plusieurs analyses de la même loge musculaire.
Avis du pôle scientifique Médiamphi
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Cette revue systématique est un article à risque de biais modéré. En effet, la majorité des critères méthodologiques majeurs sont respectés toutefois la sélection des articles n’a pas été conduite en duplicate, la description des articles inclus aurait plus être plus approfondi ainsi que la qualité des études aurait dû être davantage prise en compte lors de l’interprétation des résultats. Par conséquent, les résultats de cette étude sont à prendre avec précautions car peuvent être sûrs ou sous-estimés par rapport à la réalité.
Ces dernières années, différentes modalités d’imagerie non invasives ont été présentées comme pouvant remplacer la mesure de l’ICP. Les outils de diagnostic non invasifs possibles pour le CECS peuvent être divisés en deux catégories sur la base du modèle proposé par Walters et al. (2019) :
  • Les outils qui mesurent les surcharges mécaniques de l’ICP
  • Les outils qui mesurent principalement les indices de perfusions tissulaires
Alors que de nombreuses nouvelles études sont disponibles concernant l’utilisation de modalités non invasives dans le CECS, il manque une vue d’ensemble de l’état actuel des preuves. Cette vision est nécessaire pour passer à l’étape suivante du développement ou de la mise en œuvre de nouveaux outils de diagnostic non invasifs à utiliser en clinique, afin de garantir de meilleurs soins aux patients et un diagnostic clinique fiable avant d’entamer un traitement.

C’est pourquoi l’objectif de cette revue était de fournir une vue d’ensemble de l’état actuel des preuves. Nous avons émis l’hypothèse que certains de ces nouveaux outils pourraient être aussi fiables que l’ICP pour diagnostiquer le CECS.

Méthodologie de la recherche scientifique

Cette étude a été réalisée conformément aux directives PRISMA. Les bases de données PubMed (MEDLINE) et Embase ont été consultées le 16 Août 2022
Les critères d’inclusion suivants ont été appliqués :
  • Le sujet de l’article était le CECS des membres inférieurs
  • L’article mentionnait des méthodes de diagnostic non invasives
  • Le nombre minimal de patients atteints de CECS était >5
  • Articles rédigés en anglais et publiés entre 1994 et 2022
Les rapports tels que les manuscrits non publiés, les lettres à l’éditeur, les commentaires et les résumés de conférence n’ont pas été retenus. 

Résultats

 Caractéristiques de l’étude

Sur les 961 articles identifiés grâce à la recherche scientifique, 25 études répondaient à tous les critères d’inclusion et ont été analysés dans cette revue
Ces études portaient sur les sujets suivants :
  • IRM (Imagerie par raisonnement magnétique) (n=8)
  • NIRS (Spectroscopie proche de l’infrarouge) (n=6)
  • EMG (Électromyographie) (n=4)
  • SPECT (Tomographie par émission monophotonique) (n=5)
  • US (Ultrasons) (n=2)
  • Modèle clinique prédictive (n=1)
Les études incluses avaient des niveaux de preuve allant de 2 à 4. Au total, ces études ont inclus 1257 participants

 Synthèse des résultats 

L’IRM et la NIRS ont montré des résultats prometteurs pour le diagnostic du CECS ; cependant, cette revue a trouvé des preuves limitées que la mesure du pic de désoxygénation à l’exercice avec la NIRS peut être une valeur diagnostique fiable pour détecter la présence du CECS. En outre, il existe des preuves limitées qu’un rapport d’intensité entre la ligne de base et l’exercice de > 1,54 sur l’IRM est indicatif de la présence d’un CECS.  
Seules 4 études ont été classées comme présentant un faible risque de biais. Nous pouvons donc tirer les conclusions suivantes. : 
  • La SPECT n’est pas un outil diagnostic précis pour le CECS par rapport à l’ICP (sensibilité 50%, spécificité 63%)
  • La NIRS est un outil de diagnostic prometteur pour le CECS par rapport à l’ICP lorsqu’une valeur seuil de DStO2 > 35% est utilisée (sensibilité 85%, spécificité 67%)
  • Actuellement, il n’existe aucun modèle clinique prédictif pouvant remplacer la mesure de l’ICP en tant qu’outil diagnostic du CECS 

Discussion

Cette revue a été rédigée dans l'intérêt des patients atteints de CECS. Le diagnostic du CECS par la mesure de l’ICP est fastidieux, prend du temps et n'est pas sans risque. La fasciotomie ne devrait pas être effectuée sans un diagnostic clinique fiable afin d’éviter un surentraînement.

On peut se demander si l’ICP peut réellement servir de gold standard pour le diagnostic du CECS. Par conséquent, les conclusions des études susmentionnées doivent être interprétées avec prudence. Les critères de diagnostic de l’ICP sont basés sur des études généralement de faible niveau de preuve. Les critères proposés par Pedowitz et al. (1990), Puranen et Alavaikko (1981), Styf et Komer (1987) ou Awzid et al. (2012) manquent encore de validité. Leur utilisation comporte le risque d’un faux diagnostic. Les résultats des études plus récentes soulèvent davantage de doutes quant à la fiabilité diagnostic de la mesure de l’ICP.
Si l’on considère la contrepartie redoutée du CECS, le syndrome des loges aigüe, un nombre croissant d’études sur les diagnostics non invasifs ont été publiés au cours de la dernière décennie. Les études ont été classées en deux catégories :
  • Les études sur la mesure des substituts de la basse de la pression de perfusion (imagerie infrarouge, oxymétrie de pouls, débitmètre Doppler laser, US à contraste renforcé ou ICP)
  • Les études sur les substituts de l’augmentation de l’ICP (imagerie, mesure de la dureté des tissus, US à boucle à verrouillage de phase pulsée, élastographie à ondes de cisaillement ou compressibilité)
Certaines modalités de diagnostic mentionnées ci-dessus n’ont pas encore été testées en tant qu’outil de diagnostic du CECS et méritent donc d’être explorées dans ce domaine.

Le moyen le plus efficace de diagnostiquer le CECS serait de le faire en consultation externe. La plupart des modalités discutées dans cette revue nécessitent au moins une visite supplémentaire à l’hôpital, exception faite pour les US, la Myotonométrie et la dureté musculaire quantitative.

Un myotonomètre portable s'est révélé très fiable et valide pour mesurer le tonus musculaire des muscles du corps humain. Aucun de ces appareils n'a besoin d'être connecté à un ordinateur pour lire les résultats, ce qui les rend faciles à utiliser dans la pratique clinique quotidienne. Un modèle clinique prédictif serait plus pratique en clinique ambulatoire. Cependant, les modèles actuellement disponibles ne sont pas assez précis pour remplacer l’ICP dans le diagnostic du CECS et aide principalement à estimer le risque de développer un CECS.

Application clinique 

Sur la base de notre étude, nous recommandons qu’un diagnostic clinique typique, associé à une augmentation de la pression au sein des loges et à des résultats favorables après traitement, serve de confirmation d’un CECS réellement traité.

Des recherches de plus grande qualité sur la fiabilité de nouveaux outils de diagnostic non invasifs dans une large population de patients atteints de CECS par rapport à des témoins sains devaient être menées dans un avenir proche pour s’efforcer de remplacer les mesures de l’ICP par des outils de diagnostic non invasifs.

Limites

Des données provenant d’articles qui n’étaient pas sur PubMed ou Embase ont pu être omises, bien que la recherche effectuée ait été exhaustive.
Les données limites disponibles pour cette étude étaient hétérogènes et les résultats ont été rapportés de différentes manières, ce qui a rendu l’analyse statistique impossible.
Les résultats des patients ayant subi tous types de CECS des membres inférieurs ont été comparés. Le CECS de la loge postérieure profonde n’a pas été analysé séparément, même si celle-ci est située plus profondément que les loges antérieure et latérale et que sa pression peut être différente. 
Cette revue n’a pas inclus d’études pilotes sur des individus en bonne santé ou des rapports de cas, ce qui a pour conséquence le manque de donnée sur les nouveaux outils de diagnostics non invasifs. 
Il n’a pas été possible de réaliser une méta-analyse en raison de l’hétérogénéité entre les études incluses en ce qui concerne la norme de référence à considérer dans notre diagnostic.

Conclusion

Malgré la nécessité de remplacer l’utilisation controversée des mesures de l’ICP en tant que gold standard pour le diagnostic du CECS, notre examen a révélé un manque de validité de tous les outils de diagnostic non invasifs évoqués en tant que solution de remplacement. 

Référence article 

Van der Kraats AM, Winkes M, Janzing HMJ, Eijkelenboom RPR, de Koning MTG. Review of Reliable and Valid Noninvasive Tools for the Diagnosis of Chronic Exertional Compartment Syndrome. Orthop J Sports Med. 2023 Jan 13;11(1):23259671221145151. doi: 10.1177/23259671221145151. PMID: 36655016; PMCID: PMC9841863.